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Le boulon électrique
20 mars 2017

L'abus de pop culture

Avant, vous ne compreniez pas pourquoi vous ressembliez à Winona Ryder aux SAG Awards dès que vous vous descendiez un pot de Lemon Curd en moins de vingt minutes. Et puis la science a trouvé le concept de Sugar Rush et donné à votre folie passagère une explication si limpide qu’elle en devenait à peu près normale. Aujourd’hui, votre compulsion a migré sur internet et sur la pop culture, avec les interrogations qui s’ensuivent –notamment cette nuit où, devant une photo de Jimmy Fallon tenant un mug sur lequel on voyait Justin Timberlake tenir un mug sur lequel on voyait Jimmy Fallon tenir un mug etc., vous ne saviez pas si vous deviez rire bêtement ou vous féliciter d’avoir éprouvé le Big Bang dans le tréfonds de votre être. Jusqu’à ce que vous lisiez au détour d’un forum qu’il s’agissait d’un effet «vache qui rit» et que, enfin sereine, vous avez pu retourner à vos rêveries nocturnes (celles où le mug, c’était vous). Parfois, les mots vous manquent? Il y a toutes les chances que la pop culture ait trouvé le concept qui vous fait défaut pour expliquer l’inexplicable. Vous vous souvenez précisément que Dark Vador dit «Luke, je suis ton père» ou que le manifestant de la place Tian’anmen s’est fait écraser par un tank? Vous êtes victime de l’effet Mandela, un faux souvenir commun, théorisé en 2005 par Fiona Broome, une auteure spécialisée en paranormal. Elle s’est rendu compte que, comme elle, plusieurs personnes partageaient le même souvenir de Mandela mort derrière les barreaux de sa prison alors qu’il est mort à domicile, neuf ans après sa libération (et que Dark Vador dit: «Non, je suis ton père» et que l’étudiant chinois a été sorti manu militari par les autorités). Cet automne, comme l’a raconté fin décembre le magazine anglais New Stateman, un fil Reddit a réuni plusieurs centaines de personnes persuadées d’avoir vu dans les années 1990 le film Shazaam, avec le comédien de stand-up Sinbad, un film qui n’a… jamais existé. Le comédien ayant pourtant annoncé qu’il n’avait jamais joué dans ce film, on trouve encore sur le fil Reddit une offre de récompense de 1 000 dollars à quiconque pourrait trouver une copie VHS de l’œuvre. L’effet qui nous manque: l’effet Trump, pour décrire un truc que tout le monde a vu mais qui est tellement inimaginable que personne n’y croit vraiment. Si vous ne voulez pas qu’on parle d’un truc, évitez d’en parler vous-même. Si Barbra Streisand avait écouté ce conseil, son nom ne servirait peut-être pas aujourd’hui à expliquer ce phénomène. Demandez à un Millennial s’il connaît «Woman in Love». Peu probable. En revanche, on est prêts à parier notre fortune en bitcoins qu’il maîtrise parfaitement l’effet Streisand. Explications: en 2003, 12.000 vues d’hélicoptère de la côte californienne sont publiées sur californiacoastline.org. Un site confidentiel qui s’intéresse à l’érosion du littoral. Par hasard, sur l’une d’elles, on voit l’immense propriété de Streisand juchée sur une falaise de Malibu. Invoquant la loi anti-paparazzi, la chanteuse attaque le site à qui elle réclame 50 millions de dollars. Non seulement elle perd son procès, mais la photo qui n’avait été téléchargée que six fois (dont deux par ses avocats) s’affiche désormais partout sur le web et dans les journaux. Un effet d’amplification qui frappe inlassablement tous ceux qui tentent de censurer quelque chose sur la Toile. L’effet qui nous manque: l’effet Alain Minc, selon lequel il suffit de prédire un truc afin que l’inverse se produise. Tout le monde a déjà connu ce moment déchirant où les scénaristes d’une série gâchent tout en inventant des situations absurdes, ou en faisant évoluer des personnages de manière incohérente. Ce moment de rupture qui fait dire que la série aurait dû s’arrêter là. Comme l’arrivée d’Olivia dans le Cosby Show, la mort de Bobby qui n’était qu’un rêve dans Dallas, la fumée noire dans Lost et l’élection de Donald Trump. Ça s’appelle Jump the Shark. Une référence à un épisode d’Happy Days diffusé en 1977 dans lequel Fonzie, en voyage à Los Angeles, saute en jet-ski par-dessus un bassin dans lequel nage un requin. L’épisode, le troisième de la saison 5, est un succès (30 millions de spectateurs) et la série n’est pas du tout sur le déclin (6 saisons suivront), mais pour l’animateur de radio Jon Hein et ses copains, c’est un moment décisif. Certains activistes féministes et transgenres sapent-ils la science? Quand on défend une cause, aussi noble soit-elle, on prend parfois le risque d'occulter certaines réalités pour, croit-on, mieux défendre ses arguments. Debra W. Soh, neuroscientifique specialiste des questions sexuelles à l'université de York à Toronto, revient ainsi dans un article du LA Times sur les rapports parfois complexes qui lient la science à certains féministes et aux mouvements transgenres. Pour ces deux groupes qui ont su imposer leur voix dans le débat public, les problématiques ne sont pas les mêmes. Selon certaines féministes qui ont une vision maximaliste des études de genre, explique le LA Times, les différences entre les hommes et les femmes sont moins une des conséquences de l'évolution chère à Darwin que de pratiques de socialisation imposées dès la naissance. En 2015, on avait notamment tiré d'une étude scientifique la conclusion qu'il était pratiquement impossible de distinguer le cerveau d'un homme de celui d'une femme. Sauf que quand un groupe de chercheur s'est de nouveau penché sur les données, ils ont réalisé qu'une identification était en réalité possible avec un taux de réussite oscillant entre 69 et 77%. En utilisant une base plus large et des techniques plus modernes, des scientifiques ont réussi en 2016 à identifier à quel genre appartenait un cerveau dans 93% des cas. Surtout, même si les cerveaux des hommes et des femmes avaient une structure proche, ça ne voudrait pas dire qu'ils fonctionnent de la même manière, rappelle Debra W. Soh. On sait, par exemple, que les premiers s'en tirent mieux avec la représentation mentale d'objets en 3D alors que ces dernières ont certaines facilités liées au langage. Il a été démontré, par ailleurs, que la testostérone jouait un rôle dans le développement du cerveau des garçons avant même la naissance. Chez les transgenres, la remise en cause de la science est moins frontale, indique le LA Times, car pour eux, l'identité a à voir avec le biologique. Toutefois, le point de controverse le plus poussé concerne les enfants. Si certains mouvements prônent des transitions dès le plus jeune âge, le sexe auquel une personne s'identifie peut encore beaucoup fluctuer avant la puberté. Debra W. Soh cite notamment une étude de 2011 dans laquelle sur 25 enfants pour lequel on avait diagnostiqué un trouble de l'identité de genre, 11 étaient ensuite revenus à la normale, deux regrettant d'avoir engagé des transitions. Pour la neuroscientifique, rien ne sert de lutter contre la biologie. Le combat pour une meilleure prise en compte des identités doit aussi passer par la science.

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